Cindy HUMBERT
AVR : – Cindy Humbert, vous avez 28 ans et vous avez été victime d’un très grave accident de la route en 2009. La nuit, en rentrant de votre travail, votre voiture a été heurtée par une voiture qui arrivait en sens inverse sur l’autoroute. Vous avez été grièvement blessée et les 4 dernières années, vous avez subi de nombreuses opérations et de longues phases de rééducation. Aujourd’hui vous vivez avec les séquelles de l’accident.
Cindy Humbert : – C’est difficile de vivre avec les séquelles et en même temps, il y a une prise de conscience de l’insouciance qu’on avait plus jeune. On était même méchant, on se moquait des personnes handicapées à cet âge, on se sentait fort, on pense que rien ne nous arrivera jamais.
AVR : – Qu’est ce qui est difficile ?
Cindy Humbert : – Accepter ce qu’on a, est difficile, on regrette : avant, tout allait bien, on ne se rendait pas compte de la chance qu’on avait.
AVR : – Quelles sont les pertes les plus importantes pour vous ?
Cindy Humbert : – La perte de l’odorat pour moi qui aimait beaucoup les parfums. Aujourd’hui je fais confiance aux autres pour les parfums que l’on m’offre, mais en fait, je n’ose plus en mettre. La perte du goût est également très dure : j’ai eu une intoxication alimentaire parce que je ne me rendais pas compte que le poisson sentait mauvais. Je ne pense plus aux goûts d’avant, mais à la texture. Ce sens qui évalue la texture se développe chez moi de plus en plus : il faut que cela soit fin pour moi.
AVR : – Vous vous sentez handicapée ?
Cindy Humbert : – Oui et non. Non, parce que j’ai la chance qu’on ne voit pas que suis handicapée quand je suis habillée. Oui, surtout à cause des douleurs permanentes. Et tous ces médicaments…, ce n’est pas évident. Je ne peux plus faire beaucoup de choses, j’ai perdu le plaisir de manger et j’ai des difficultés à mémoriser, je m’en rends compte quand je vais au cours pour apprendre le Luxembourgeois. Je n’aime pas le regard des gens qui est discriminatoire – on est classé ! Pour le marché du travail, par exemple, on est mis de côté.
AVR : – Avez-vous une démarche personnelle, disons une recette à faire partager ?
Cindy Humbert : – La discipline pour se stimuler est très importante : sortir, aller aux cours, faire des thérapies. Cela me fait du bien, mais c’est fatiguant et nous rappelle que nous sommes tout le temps confronté à notre handicap. C’est dommage! Ce n’est pas rigolo tous les jours!
AVR : – Est-ce que vous diriez que tout était négatif dans votre vie depuis l’accident ?
Cindy Humbert : – Non, j’ai rencontré mon Amour au Rehazenter, je ne m’y attendais pas !
AVR : – Voulez-vous faire passer un message à l’occasion de la Journée Internationale de la Personne Handicapée ?
Cindy Humbert : – Ne pas se moquer, ne pas se sentir supérieur ou mieux que la personne qui a un problème de santé ou un handicap, cela peut vous arriver demain !
Interview réalisée par Marie-Paule Max, coordinatrice de l’Association nationale des Victimes de la Route (AVR).