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Carine NICKELS

Une date, une route, un virage, une voiture, un accident, un destin
scellé ; le mien !

La nuit du 26 août 2012 a tout changé. Je ne me souviens pas de
l'accident et quand bien même, mon témoignage ne serait probablement pas
différent de celui d'autres victimes et ne changerait rien aux faits. Je
vais donc vous parler de l'Après.

Une date, une route, un virage, une voiture, un accident, un destin
scellé ; le mien !

La nuit du 26 août 2012 a tout changé. Je ne me souviens pas de l’accident et quand bien même, mon témoignage ne serait probablement pas différent de celui d’autres victimes et ne changerait rien aux faits. Je vais donc vous parler de l’Après.
Lorsque je me suis réveillée à l’hôpital plusieurs jours après l’accident, j’étais un peu perdue. J’ai le vague souvenir d’avoir demandé à ma mère ce qu’il s’était passé et de lui dire : j’ai failli y rester ; Je n’étais pas réellement consciente de mon état, embrumée par la morphine. Il m’a fallu encore plusieurs jours avant de réaliser l’ampleur des dégâts. Fracture des cervicales C6-C7, compression à 80% de la moelle épinière avec épanchement du liquide céphalo-rachidien, diagnostique : Tétraplégique. J’avais perdu l’usage de mes jambes, très probablement définitivement et l’usage de mes bras à long terme. Je respirais avec l’aide d’une machine.

Le combat le plus important et le plus long de ma vie avait commencé. Six mois ont passé depuis et je ne suis qu’au début d’une bien longue route, j’en suis consciente. Je n’ai plus besoin d’aide pour respirer et mes bras ont récupéré une partie de leur mobilité. Quand je pense aux six mois passés je ne suis pas triste, ni déprimée. Je ne suis pas en colère non plus, pas même résignée. Bien sûr, ma vie et celle de mes proches a changé. Mais je reviens de loin, plus vivante que jamais.

Je pourrais choisir de vous parler pendant des heures des difficultés et de la souffrance d’être une victime de la route. La douleur des traitements, les assurances qui traînent, etc. Mais je préfère parler de la satisfaction de voir les progrès accomplis, aussi minimes soient-ils. Parler de ce sentiment étrange de triomphe d’être une survivante de la
route.

Une survivante, une battante, pas une victime. Rien ne pourra changer ce qui est arrivé cette nuit-là, ni le cauchemar enduré par ma famille et mes amis en entendant la nouvelle. Mais c’est en gardant la tête haute et en me battant que peut-être un jour, cette nuit ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Début 90, j’ai passé un an et demi en rééducation suite à une opération du genou. J’y avais rencontré un jeune homme tétraplégique, à peu près dans le même état que je suis actuellement. Je me souviens que je le poussais tous les jours à faire des efforts à ne pas abandonner. Je l’engueulais même parfois lorsqu’il devenait défaitiste. J’étais fière de lui lorsqu’il avait réussi à signer ma carte d’anniversaire. Je ne l’ai plus revu depuis, mais je ne l’ai jamais oublié ! Aujourd’hui je me dois d’être courageuse, comme il l’a été. Ce que j’exigeais de lui, je l’exige de moi. Pas seulement pour moi, mais pour tous ceux qui sont dans le même cas.

Vivre en Institut, circuler en chaise roulante, avoir besoin de l’aide d’autrui pour faire sa toilette, c’est vrai, ce n’est pas facile.Surtout lors de sorties, lorsque la moitié des gens que vous croisez choisie de vous ignorer complètement et que l’autre moitié vous traite comme si vous étiez un « extra-terrestre ». Et oui, maintenant je vois la vie différemment, je suis restée la même personne et pourtant j’ai changé. Contrairement à beaucoup de gens qui ne font que survoler leur vie, moi j’ai choisi de vivre ! Même si je sais que ce ne sera pas facile tous les jours. Je continuerais de me battre pour moi, pour ma famille et mes amis, pour tous ceux qui croient en moi.

Parce que la vie est un cadeau qu’il faut estimer à sa juste valeur, trop précieuse pour être gâchée par de petits problèmes qui n’en sont pas vraiment. Trop inestimable pour être survolée sans jamais la croquer à pleine dents et trop belle pour être vécue sans jamais vivre réellement. En résumé, je suis reconnaissante d’être encore là pour pouvoir donner mon témoignage et peut-être même redonner du courage aux personnes qui comme moi ont été un jour des victimes. Et qui aujourd’hui ont choisi d’être des survivants, des guerriers, des conquérants de cette nouvelle vie qui s’ouvre à eux.

Carine NICKELS.